Institut d'étude des intervalles

Épisode 1 – Transition et extension des pratiques de care

Le Tiret d’Alice – Épisode 1

Transition et extension des pratiques de care

À bien des égards, la romancière Alice Rivaz (1901 – 1998) peut être considérée comme une autrice pionnière en regard des enjeux de politiques et d’éthique du care*, qui traversent ses écrits avec une constance remarquable dès les années 1940. Ses descriptions minutieuses des ressorts de « l’esclavage domestique » et de l’invisibilisation du travail des femmes, ses évocations de la puissance des gestes de soins, ainsi que ses appels à développer de nouvelles formes d’expression pour appréhender l’expérience des personnes en position de subalternes, ont conservé toute leur force d’interpellation. Ayant elle-même travaillé toute sa vie comme dactylographe au Bureau International du Travail à Genève, elle a pu témoigner de la division genrée du travail jusque dans les institutions les plus modernes de son époque, analysant avec une acuité remarquable la transition des gestes de soin et d’attention d’une génération à l’autre, d’une activité à l’autre. Cette extension du domaine du care semble encore gagner en ampleur aujourd’hui, les pratiques concernées semblant désormais englober celles qui assurent des services indispensables, qui préservent les liens, qui prennent soin du vivant, alors que les mobilisations pour une juste répartition de ces tâches et leur pleine reconnaissance est plus que jamais d’actualité. Le premier épisode du Tiret d’Alice abordera ces questions dans une série de débats, lectures et performances, ainsi que par le biais de partages de témoignages.

* Le terme anglais de care regroupe ici des questions de soin, d’attention aux autres et de soucis des autres, telles que théorisées par Carol Gilligan et Joan Tronto depuis les années 1980, et qu’ont contribué à faire connaître en terres francophones des chercheuses comme Sandra Laugier, Pascale Molinier et Patricia Paperman.

Programme

18 septembre 2022

Lecture, débats et performances

Villa Bernasconi, Lancy

Participant·e·x·s

Caroline de Cornière
Sylviane Dupuis
Nadja Eggert
Oélia Gouret
Compagnie K&A
Stéphanie Pahud
Magali Raspail
Denis Schneuwly

Environnement sonore

K&A

Coutumier des expérimentations plastiques et auditives les plus étonnantes, le duo d’artistes pluridisciplinaires K&A (Karla Isidorou & Alexandra Bellon) crée pour l’occasion un environnement sonore original au rythme de la batterie et des machines à écrire, ponctué par des lectures de textes d’Alice Rivaz par la danseuse et chorégraphe Caroline de Cornière et l’artiste Aurélien Gamboni.

Conversation

Sylviane Dupuis,
Nadja Eggert
et Stéphanie Pahud

Pour explorer l’œuvre d’Alice Rivaz au prisme des théories du care, la linguiste Stéphanie Pahud et la chercheuse en éthique du soin Nadja Eggert, toutes deux membres du groupe de recherche CARE de l’Université de Lausanne, sont en conversation avec Sylviane Dupuis, poétesse, dramaturge, essayiste et professeure de littérature.

Interventions

Magali Raspail,
Oélia Gouret
et Denis Schneuwly

Les artistes Magali Raspail et Oélia Gouret proposent chacune une lecture performative, la première évoquant le poids de l’héritage des pratiques de soin dans sa famille, la seconde tirant de son journal des réflexions éparses sur les rapports de genre, la pandémie et le travail du sexe. Denis Schneuwly aborde ensuite la diversité des enjeux de la notion de soin dans ses différentes activités de jardinier, de biologiste et de travailleur social.

Echange public

Magali Raspail

Magali Raspail propose un moment d’échange public autour de la notion de proche.x.s aidant.e.x.s, en résonance avec le roman d’Alice Rivaz Jette ton pain (1979). Accompagner un proche mourant, soutenir les personnes intersexe face aux discriminations et à la violence, ou simplement aider sa voisine : comment vit-on sa propre position en tant que personne aidante ?

Archives Sonores

Performance – Introduction

Cie K&A

Conversation

Sylviane Dupuis, Nadja Eggert et Stéphanie Pahud

Intervention

Oélia Gouret

Intervention

Magali Raspail

Intervention

Denis Schneuwly

Performance – Conclusion

Cie K&A

Textes

Biographies des participant·e·x·s

Caroline de Cornière

Caroline de Cornière, danseuse et chorégraphe, crée C2C en 2007, une compagnie de danse contemporaine « locale » où elle développe des projets chorégraphiques autour de la question du corps des femmes, de la sororité et du passage des âges au féminin. Mère de trois grandes filles, elle revendique un art qui concilie la maternité et la créativité dans une perspective de liberté et d’émancipation dans la durée. Elle crée « Entre les 2 épaules » au théâtre du Galpon en 2019, une pièce chorégraphique inspirée du journal d’Alice Rivaz Traces de vie. Caroline de Cornière est l’une des membres fondatrices de l’Institut d’étude des intervalles.

Sylviane Dupuis

Sylviane Dupuis, poète et dramaturge, a enseigné la littérature au collège Calvin et, de 2005 à 2018, à l’université de Genève. Elle a publié six pièces de théâtre, traduites et jouées en plusieurs langues, sept livres de poésie, des essais, dont Qu’est-ce que l’art ? (2013) ou Au commencement était le verbe. Sur la littérature de Suisse francophone du XXe siècle (2021) et de nombreuses études critiques. Cofondatrice et membre du Conseil de la Maison Rousseau & Littérature à Genève, elle est aussi membre du comité de l’association Alice Rivaz.

Nadja Eggert

Nadja Eggert est maître d’enseignement et de recherche en éthique à l’Institut des sciences sociales des religions (FTSR) et directrice du Centre interdisciplinaire de recherche en éthique de l’Université de Lausanne (www.unil.ch/cire). Ses enseignements et recherches portent sur l’éthique fondamentale et appliquée (éthique du care, philosophie du soin, bioéthique, éthique de la délibération, éthique de la recherche) et en particulier sur les enjeux éthiques de l’utilisation des technologies dans le soin. Elle dirige actuellement deux recherches financées par la Fondation Leenaards et le Fonds national Suisse sur la thématique de l’utilisation des robots dans la prise en soins des personnes âgées.

Oélia Gouret

Oélia Gouret vit et travaille entre Paris et Genève. Elle est diplômée du work.master à la HEAD – Genève en 2022. Elle rejoint plusieurs collectifs qui prennent part à l’organisation d’expositions (Argent Facile à Genève) et de fêtes ou de festivals de musique, cinéma et radio. Elle réalise des films et participe à de nombreuses publications de type fanzine depuis 2016. Son travail a été présenté dans le cadre de divers festivals à Genève, Dijon, Nantes, Paris et Montréal.

Compagnie K&A

K&A est un duo pluridisciplinaire basé à Genève, formé par Karla Isidorou & Alexandra Bellon. Depuis 2017, elles diffusent des concepts poétiques & politiques, développant leurs projets à partir de longues périodes de recherche. Torrents de livres, images vagabondes, sons grinçants, écrits déserteurs, actions performatives, contextes poétiques et socio-politiques qui se rassemblent pour créer un environnement spécifique dans lequel se forme chaque projet. Leur travail a été présenté à PQ2019 – Prague Quadrennial of Performance Design and Space (Prague, CZ), Sitting Shotgun (Brooklyn, NYC), Theater de Generator (Leiden, NL) A LAB (Ams-terdam, NL), Filmtheater FOCUS (Arnhem, NL), La Head (Genève, CH), L’Usine Kugler (Genève, CH) MCBA – Musée Cantonal des Beaux Arts (Lausanne, CH), au Festival d’Aurillac (Aurillac, FR).

Stéphanie Pahud

Stéphanie Pahud est linguiste, maître d’Enseignement et de Recherches à l’Ecole de français langue étrangère (EFLE, Université de Lausanne). Ses recherches et publications portent sur les normes langagières mais aussi de sexe/genre et corporelles ainsi que sur la didactique du FLE (français langue seconde). Elle est notamment autrice de Chairissons-nous. Nos corps nous parlent (Favre 2019), LANORMALITE (L’Âge d’Homme 2016), et Petit traité de désobéissance féministe (Arttesia 2011).

Magali Raspail

Après des études en travail social, Magali Raspail a travaillé durant plusieurs années avec des populations à la marge de nos sociétés. De cette expérience, elle a gardé le goût des autres et une certaine sensibilité aux injus-tices. Pratiquant la danse/performance ainsi que la photographie en parallèle, elle s’est constituée un ensemble d’expériences qui ont enrichi sa pratique professionnelle au point d’embrasser une formation d’art-thérapeute puis un Master of Arts HES-SO en Arts visuels avec orientation Trans – Médiation Artistique. Son travail s’axe à présent vers des thématiques touchant à l’intime et finalement au récit de soi comme outil d’exploration des politiques du care.

Denis Schneuwly

Denis Schneuwly est biologiste, jardinier et travailleur social à l’Atelier Galiffe du Centre social protestant (CSP), un lieu d’accueil pour personnes en situation d’isolation sociale, qu’elles soient marginalisées ou souffrant de troubles psychologiques. Passionné de jardins, il considère avant tout ce dispositif comme une source de plaisir, d’émerveillement, de connaissance sans nier l’exigence en soins et efforts de la part du jardinier. Dans sa pratique du jardinage comme dans son investissement professionnel, il constate que la pratique, le plaisir d’agir, de se mobiliser, de s’impliquer dans un lieu et une activité favorisent les fonctionnements vitaux, joueurs, créatifs de chacun.

Avec le soutien de la Ville de Lancy