Institut d'étude des intervalles

Sculpture – Le Tiret (d’après Alice Rivaz)

Sculpture

Le Tiret (d’après Alice Rivaz)

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Il y a aussi deux dates séparées par un petit tiret. Elle n’aime pas regarder le tiret qui contient toute la vie de Madame, sa longue vie. Mais à regarder ce tiret minuscule, il semble que ce n’était rien du tout qu’un tout petit moment entre deux immenses Portes, celle de l’Entrée et celle de la Sortie. Et presque rien du tout entre deux. Elle aussi, Thérèse, aura sa pierre, ses deux dates, son prénom et son nom. Elle connaît son numéro d’Entrée, elle ignorera toujours l’autre. Mais certains l’apprendront. Et sûrement Monsieur le saura. Peut-être aura-t-il un peu de chagrin.

Alice Rivaz, « La Bonne », 1985
Le Tiret (d’après Alice Rivaz)
Aurélien Gamboni, 2020
Granit Cresciano, 400 x 132 x 40 cm
Réalisation: Vincent du Bois, atelier CAL’AS, Lancy
Collection de la Ville de Lancy
photo: François de Limoges

Intrigué par les écrits d’Alice Rivaz autant que par sa modeste tombe au cimetière des Rois, l’artiste Aurélien Gamboni débute en 2015 une petite enquête à partir d’une métaphore qu’affectionnait particulièrement la romancière: celle du tiret entre les dates de naissance et de mort sur nos tombes, sensé contenir toute notre vie. Il rencontre alors des spécialistes de Rivaz, membres de sa famille, traducteurs et autres personnes ayant joué un rôle dans la confection de son monument funéraire. Le premier geste artistique consiste alors à réaliser un moulage en bronze du petit tiret de cette tombe, et d’en offrir un exemplaire à toutes les personnes qui ont contribué à l’enquête grâce à leur témoignage. 

Après avoir présenté une conférence-performance dans le cadre de l’exposition « Open End »  en 2016, puis dans la chapelle du cimetière des Rois l’année suivante, Aurélien Gamboni est invité à la Triennale Bex&Arts de 2020, à l’occasion de laquelle il fait réaliser une version sculptée du tiret : « Le Tiret (d’après Alice Rivaz) ». Taillée dans le granit des Alpes suisses par le sculpteur Vincent du Bois de l’atelier CAL’AS, cette sculpture minimale de quatre mètre de long se présente comme l’inscription d’un signe typographique dans le paysage. Cette image de pensée que nous a léguée Alice Rivaz, ici matérialisée dans la pierre, nous invite à questionner cette époque qui est la nôtre, tiraillée entre des héritages à re-penser et des avenirs à imaginer. Le tiret devient alors un abri, une plateforme ou un simple banc, afin d’accueillir une série de rencontres, entretiens et séances de lecture avec des écrivain.x.e.s, philosophes, éducateur.x.trice.s, musicien.x.ne.s, militant.x.e.s, performers, et autres personnes engagées dans la défense des causes chères à la romancière.

À Bex, la sculpture donne lieu à une première série de discussions et de lectures publiques, en collaboration avec l’Association Alice Rivaz. Elle est également accompagnée du livret Le Tiret, une édition publiée par la Villa Bernasconi comprenant une sélection de témoignages récoltés durant la première phase d’enquête. 

Après un court passage dans la cour du Collège Calvin à Genève, face au Collège pour Adultes Alice Rivaz (COPAD), la sculpture trouve enfin un lieu permettant de l’héberger sur le long terme: la Villa Bernasconi. Le centre d’art de Lancy propose de l’héberger dans le parc Bernasconi, et de soutenir la poursuite du programme de rencontres et de performances pour les dix années à venir, soit de septembre 2021 à août 2031. Un nombre croissant de personnes ayant été mobilisées durant les étapes précédentes du projet, rassemblées par leur intérêt commun pour l’œuvre et les engagements d’Alice Rivaz, il est décidé de créer un nouveau collectif pour mener à bien ce programme de manière collégiale : l’Institut d’étude des intervalles.